Aperçu sur l'histoire du pagne en Côte d'Ivoire
Les Nana Benz. Source:http://gfx.elle.ci |
L’art vestimentaire (traditionnel ou moderne) représente un des facteurs caractéristiques de la culture et de l’identité d’un peuple. A l’instar d’autres peuples africains, la Côte d’Ivoire, depuis ses origines, a su développer et s’accaparer la culture du pagne. Cependant comment pouvons-nous situer le pagne dans l’histoire du peuple ivoirien et comment a-t-il évolué jusqu’à ce jour dans notre société ?
Des origines lointaines du pagne au pagne traditionnel en Côte d’Ivoire
Avant tout propos notons que le mot pagne (morceau d’étoffe), est dérivé de l’espagnol paño lui-même dérivé du latin pannus. Le pagne peut être fabriqué en écorce battue, en fibres de raphia tissé, en matière végétale tressée ou en coton. En Afrique le pagne se faisait originellement de manière traditionnelle, surtout qu’il avait des connotations symboliques relatives aux mœurs des peuples. En effet tous premiers les fragments de tissus retrouvés en Afrique (dans les falaises du Bandiagara), au XIe siècle, étaient fabriqués par les Tellem, ancêtres des Dogon du Mali. En plus, les premières populations converties à l’islam se laissaient séduire par les étoffes des arabes venus du Nord de l’Afrique. C’est peut-être ce qui explique la position influente de la ville Kong (ville artisanale du Nord de la Côte d’Ivoire) dont les tissus étaient prisés par les ivoiriens et les allogènes jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Les échanges commerciaux entre les anciens peuples de l’Afrique et leurs déplacements intra régionaux ont favorisé une certaine adoption du tissage traditionnel en Côte d’Ivoire dont la position au centre de la sous-région est d’un grand avantage. C’est pourquoi nous observons, jusqu’à ce jour, la présence significative de pagnes traditionnels dans notre vécu et nos coutumes. Il s’agit par exemple de la toile de Korhogo à l’image du Bogolan (fait avec la boue, traduit du Bambara) originaire du Mali et du Burkina Faso et du pagne Baoulé, lui à l’image du Kenté ou encore Kita originaire du Ghana.
Même si l’on reconnait que le pagne traditionnel fait partie de nos mœurs depuis le XIe siècle, il est notoire de comprendre aussi les origines du pagne industriel pour voir comment il a pu être vulgarisé en Côte d’Ivoire, vu la réception qui en est faite par le public ivoirien.
Même si l’on reconnait que le pagne traditionnel fait partie de nos mœurs depuis le XIe siècle, il est notoire de comprendre aussi les origines du pagne industriel pour voir comment il a pu être vulgarisé en Côte d’Ivoire, vu la réception qui en est faite par le public ivoirien.
L’introduction du pagne industriel en Afrique de l’Ouest
A côté du pagne traditionnel, les africains vont embrasser un nouveau modèle pagne vers la fin des années 1880, pur produit de la colonisation.
C’est le Ghana qui a constitué la porte d’entrée du pagne imprimé sur le continent entre 1880 et 1890. Les entreprises leaders furent d’abord celle de l’écossais Ebenezer Brown FLEMING puis celle du Hollandais Van Vlissingen (qui donna son nom à l’actuel VLISCO). Cependant il faudrait savoir que ces européens se sont inspirés des techniques du batik indonésien (ou javanais), l’avaient amélioré pour ensuite le commercialiser en Indonésie (ancienne colonie néerlandaise). Mais ce produit étant mal reçu en Indonésie et pour d’autres raisons conjoncturelles, les industriels des textiles européens vont se tourner vers l’Afrique de l’Ouest. Et l'adoption de ces tissus en Afrique a été favorisée par le retour en 1862 des soldats ghanéens, ayant combattu en Indonésie auprès de leurs employeurs néerlandais et connaissant bien les motifs textiles indiens et javanais.
Toutefois ce qui donna lieu au « Wax africain » ne fut qu’une adaptation des imprimés européens au goût de la nouvelle clientèle. C’est ce qui explique la diversité des procédés d’impression (Wax Bloc Print, Java Print, ou encore la réserve).La vulgarisation du pagne industriel en Côte d’Ivoire
Si le Wax fut déjà importé en Afrique de l’Ouest depuis la fin de la décennie 1880-1890, ce n’est que vers 1960 qu’il a connu son essor par le biais des revendeuses togolaises, les Nana-Benz. En effet ces femmes d’affaires dont la moyenne d’âge était de 48 ans se ravitaillaient au départ au Ghana vers les années 1930 mais vont dominer progressivement le marché régional grâce à leur collaboration avec les grands groupes hollandais ; approvisionnant alors les pays voisins tels que le Bénin, le Burkina Faso, le Nigeria et même la Côte d’Ivoire. C’est ce qui les faisaient peser jusqu’à 40% dans le PNB du Togo dans les années 60 (Rita Cordonnier, 1982).
Cependant quand bien même la Côte d’Ivoire n’ait pas connu le pagne Wax plus tôt comme le Ghana ou le Togo, elle fit ses premiers pas dans l’industrialisation du pagne avec la colonisation française. Nous pouvons citer à cet effet la première firme textile de Côte d’Ivoire fondée par Robert Gonfreville à Bouaké en 1921 avec 22 employés majoritairement Baoulé. L’entreprise conçue au départ pour améliorer la qualité de la production manuelle des tisserands de la région (filature et tissage) va opter pour l’impression en 1969 ; ses impressions étant par contre différentes du Wax hollandais commercialisé par les Nana-Benz.
Par ailleurs le Wax et le Fancy pourront être produits localement par UNIWAX créée en 1968. Les premiers succès de cette entreprise sont marqués par la sortie du Super wax en 1988 ; succès qui fait d’elle aujourd’hui un des leaders du marché ouest africain, et ce, grâce encore à la part importante du groupe hollandais VLISCO (2010).
Aujourd’hui les œuvres réalisées par certains créateurs-stylistes de renom tel que Pathé ’O et l’utilisation que l’on fait du pagne moderne en Côte d’Ivoire montre clairement la place importante qu’il occupe dans la société ivoirienne.
Bien plus récents que les pagnes traditionnels étudiés plus haut, les tissus modernes laissent présentement peu d’espace à la valorisation des productions artisanales car des motifs de pagne Baoulé ou de Bogolan sont reproduits de façon industrielle. Ne parait-il pas alors utile de s’intéresser à la place du tisserand ivoirien dans l’industrie textile ?
SEDE Louis Donatien, étudiant en Master Etudes Coréennes
Références :
- Raoul Germain Blé, le pagne un moyen de communication 30/01/12
- Djakaridja Ouattara, Kong la ville du Nord de la Côte d’Ivoire : condition de son urbanisation du XVIIIe au XIXe siècle, 2015 - publication.lecames.org
- Discutons avec Madou, Bogolan : fait avec la terre, www.africimpact.org
- Alain Dubresson, Villes et Industries en Côte d’Ivoire pour une géographie de l’accumulation urbaine, 1989
- John Gillow, Afrcan Textiles, 2003
- Rita Cordonnier, femmes africaines et commerce, les revendeuses de tissus de Lomé, 1982
- Elodie Vermeil, Une brève histoire des pagnes, 09 mai 2016
- http://www.teheran.ir/spip.php?article989#gsc.tab=0
- Afrikhepri.org, 23/01/2018
- Afrkhepri.org, 04/07/2017
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